La Fondation Simone et Cino Del Duca délivre chaque année sur proposition de l’Académie des beaux-arts des prix artistiques dans les domaines de la peinture, sculpture et composition musicale. Ces prix sont destinés à récompenser ou mieux faire connaître des artistes français ou étrangers.
Le Grand Prix artistique 2021 de la Fondation Simone et Cino Del Duca a été décerné, sur proposition de la section de sculpture de l'Académie des beaux-arts, à Barbara Chase-Riboud, sculptrice, poétesse et romancière franco-américaine.
17/05/2021
Barbara Chase Riboud
Barbara Chase-Riboud est née à Philadelphie (Pennsylvanie, États- Unis) de mère canadienne et de père américain. Encore enfant, elle débute sa formation artistique à la Fletcher Academy, dans sa ville natale. Le Museum of Modern Art de New York fait l’acquisition d’une de ses estampes alors qu’elle n’a que 16 ans. Elle poursuit ses études à l’Université Temple puis à l’Université de Yale, où elle est la première femme noire américaine à être diplômée de l’École d’architecture.
Une bourse lui permet de partir pour l’Europe en 1957. Elle vit et étudie à l’Académie américaine à Rome pendant deux années, où elle crée ses premières sculptures en bronze. Sac au dos, et dans des conditions parfois rocambolesques, elle voyage depuis l’Italie à Paris, mais aussi en Grèce, en Turquie et surtout en Égypte. L’art égyptien ancien est pour elle une révélation. Elle ne cessera dans son travail plastique de chercher à atteindre une semblable dimension symbolique, monumentale et mémorielle. Ces voyages lui permettent de découvrir sur site et dans les musées l’art extra-occidental, africain également, qui ne cessera d’irriguer sa création de sa richesse formelle et imaginaire, témoignant de sa grande ouverture d’esprit.
Elle rencontre le photographe de l’agence Magnum Marc Riboud, à Paris, l’épouse en 1961 et s’installe en France. Avec lui, elle voyage pendant des années de par le monde, et dans des zones où les Occidentaux pénètrent peu comme la République populaire de Chine après la Révolution, ou l’Algérie tout juste indépendante.
Les années 1960 sont essentielles dans l’élaboration de son style. Alors même que les avant-gardes s’orientent vers des pratiques artistiques axées sur le concept, l’attitude ou l’action (Nouveau Réalisme, pop art, art conceptuel), elle persiste avec originalité et singularité dans la création de sculptures en ronde-bosse fondues en bronze. D’abord figuratives, formées d’objets trouvés et assemblés, représentant des corps hybrides évoquant des végétaux ou des insectes, les œuvres de la fin des années 1950 et du début des années 1960 évoquent celles de Germaine Richier ou d’Alberto Giacometti. Chase-Riboud passe progressivement à l’abstraction, associant une technique originale de sculptures en cire coulées ensuite directement en bronze, puis associées à d’autres matériaux, textiles notamment, comme des cordes de soie ou de laines. Son travail va puiser à des références extrêmement variées, de l’abstraction moderniste à la sculpture classique, en passant par l’art textile, le baroque et la statuaire vernaculaire africaine ou océanienne. Entre totems, fétiches et monuments, ces étranges figures sans visages proposent des intrications de matières, créant des jeux subtils de réflexion, d’opacité et de densité chromatique. Ces grandes sculptures abstraites, souvent monumentales, sont chargées d’enjeux sociaux et politiques qui résident discrètement dans les plis de la matière. Héritière d’une histoire tragique de la diaspora africaine, de la traite esclavagiste trans-atlantique aux luttes pour les droits civiques aux USA, elle en glisse des indices sublimés par la forme.
Barbara Chase-Riboud est également poétesse et écrivaine. Son premier roman, La Virginienne (1979) a pour sujet la relation amoureuse entre le président des Etats-Unis Thomas Jefferson et Sally Hemings, une ancienne esclave métisse. Elle a publié une dizaine de romans et recueils de poésie. Son œuvre poétique et romanesque interroge l’histoire des rapports entre occidentaux, africains et américains et exalte le destin de figures en lutte pour leur liberté. Ses romans ont reçu de nombreux prix, dont le prix Janet Heidinger Kafka.
Depuis 1970, une partie des grandes stèles abstraites qu’elle compose sont titrées en hommage à Malcolm X. Une exposition rétrospective leur a été consacrée à Philadelphie (Philadelphia Museum of Art) et à Berkeley (Berkeley Art Museum) en 2013 et 2014, témoignant de la persistance de cet engagement. En 1998, elle remporte le concours pour la réalisation d’une œuvre en hommage au Cimetière Africain de New York (Broadway). Elle crée la sculpture monumentale Africa Rising, revenant exceptionnellement à la figuration, qui représente, sur un piédestal, une femme africaine qui semble prendre son envol. Cette figure de liberté incarne l’esprit qui anime l’œuvre et la vie de Barbara Chase-Riboud.
Les œuvres de Barbara Chase-Riboud figurent dans les collections du Berkeley Art Museum (Californie), du Metropolitan Museum (New York), du Museum of Modern Art (New York), du Newark Museum (New Jersey), du New Orleans Museum of Art (Louisiane), du New York Historical Society Museum (New York), du Philadelphia Museum of Art (Pennsylvanie), du Smithsonian African American Museum (Washington D.C.), Studio Museum à Harlem (New York), et au CNAP (France). Plusieurs expositions internationales de l’œuvre de Barbara Chase-Riboud sont en préparation. L’Institut Giacometti (Paris) accueillera du 20 octobre 2021 au 9 janvier 2022 une exposition consacrée à son œuvre, en dialogue avec l’œuvre d’Alberto Giacometti.