L’église Notre-Dame de Toute Grâce au Plateau d’Assy, 1937-1946

Par Lydia Harambourg, correspondante de la section de peinture de l'Académie des beaux-arts

 

 

Les mosaïques de Fernand Léger (1881-1955), sur la façade de l’église Notre-Dame de Toute Grâce, plateau d’Assy.
Les mosaïques de Fernand Léger (1881-1955), sur la façade de l’église Notre-Dame de Toute Grâce, plateau d’Assy.
Photo Christine Boymond Lasserre. © Adagp, Paris, 2023

 

Avec le chantier ecclésial initié en 1937 par l’Abbé Devémy qui le confie au jeune architecte savoyard Maurice Novarina, cet aumônier du proche sanatorium de Sancellemoz ose « parier pour le génie » selon l’expression du Père Couturier. Le débat sur l’art sacré semblait se résoudre avec la question de la modernité qui prenait le relais au sein de la redéfinition du sacré en posant la question de la présence d’une œuvre moderne dans un édifice religieux.

En réalité, Assy, première création d’art total dans sa tentative d’un rapprochement de l’église avec un art contemporain, sera loin de faire l’unanimité. Face à son relatif échec dû à une incompréhension et un rejet par une partie du clergé et des milieux intégristes jugeant inadmissibles les choix artistiques et iconographiques, s’impose l’idée dans les milieux progressistes que « pour garder en vie l’art chrétien, il faut à chaque génération faire appel aux maîtres de l’art vivant ». Une volonté qui a été celle du Père Couturier responsable en 1945 du programme décoratif de l’église d’Assy. Il s’adjoint alors la collaboration d’artistes majeurs de la première moitié du XXe siècle. Bonnard, Matisse, Chagall, Braque pour le tabernacle, les sculpteurs Lipchitz, Signori pour la cuve baptismale. Léger décore la façade en auvent d’une mosaïque vivement colorée. Les vitraux de Rouault pour les fenêtres inférieures de la façade, d’autres sont l’œuvre de Bazaine, Brianchon, Bercot, Bony, du Père Couturier, ancien élève de Maurice Denis. Des tapisseries de Lurçat revêtent l’abside. Devant l’autel prend place le Christ de Germaine Richier, enjeu à partir de 1954 d’une violente polémique qui remonte jusqu’au Vatican. Le corps torturé du Christ déclenche le scandale. La sculpture est retirée de l’église (consacrée en 1950) et ne sera réintégrée qu’en 1966.

 

Dans le chœur, la tapisserie de l’Apocalypse, de Jean Lurçat (1892-1966), représentant le combat du Bien et du Mal.
Dans le chœur, la tapisserie de l’Apocalypse, de Jean Lurçat (1892-1966), représentant le combat du Bien et du Mal.
© René Mattes / Alamy Stock Photo © Fondation Lurçat / Adagp, Paris, 2023

 

La crypte reçoit des œuvres de Kijno, Claude Mary, Strawinsky et Marguerite Huré. L’expérience d’Assy a suscité d’autres initiatives : les églises des Bréseux (1947) avec Manessier, d’Audincourt (1951), Vence (1948-1950) avec Matisse. La Chapelle Notre-Dame du Haut à Ronchamp de Le Corbusier (1953-1955).

Depuis de nombreuses commandes ont été passées à des générations d’artistes, dans cet héritage d’une pensée énoncée par le philosophe Étienne Gilson pour qui « l’art est éminemment religieux en tant qu’il est art » (Peinture et Vérité, 1957 ré.1972).

 

Vitrail de Marc Chagall (1887-1985).
Vitrail de Marc Chagall (1887-1985).
Alamy Stock Photo. © Adagp, Paris, 2023