Les programmes Académie des beaux-arts x Cité internationale des arts

Le soutien à la création  >  Les résidences artistiques

________________________________________

L’Académie des beaux-arts est partenaire de la Cité internationale des arts depuis sa création en 1965. Ensemble, elles ont construit 3 programmes permettant d’accueillir chaque année, sur le site du Marais, 2 artistes chorégraphes et 2 architectes et, sur le site de Montmartre, 4 artistes plasticiens dans des ateliers-logements récemment rénovés et mise gracieusement à leur disposition.

 

Site du Marais de la Cité internationale des Arts. Photo Maurine Tric, Adagp, Paris, 2024
Vue du bâtiment principal du site du Marais de la Cité internationale des Arts. PhotoMaurine Tric, Adagp, Paris, 2024
Villa Radet. Photo Maurine Tric, Adagp, Paris, 2024
La Villa Radet, site de Montmartre de la Cité, et un des ateliers mis à disposition des artistes en résidence. Photo Maurine Tric, Adagp, Paris, 2024

Dans la danse, le mouvement parle de lui-même

Entretien entre Etay Axelroad, résident en chorégraphie installé à la Cité internationale des Arts (site du Marais) et Didier Deschamps, correspondant de la section de chorégraphie de l’Académie des beaux-arts

 

Didier Deschamps : Danseur et chorégraphe israélien d’origine roumaine, vous êtes actuellement en résidence pour six mois à la Cité internationale des Arts en tant que lauréat du programme de résidence en partenariat avec l’Académie des beaux-arts de Paris ; quel en est pour vous l’intérêt ?

Etay Axelroad : Les enjeux et intérêts sont multiples. C’est une formidable opportunité d’être confronté à d’autres langues, d’autres cultures et environnements, de pouvoir rencontrer des artistes très différents de toutes disciplines. Cela ouvre à d’autres façons de penser et permet de sortir de sa zone de confort. Paris est très intéressant, très accueillant ; s’y mélangent des Français et beaucoup d’étrangers qui ont chacun leur spécificité et leur formation. Je suis ouvert à toute forme de rencontre, d’expérience de la danse comme le ballet, le hip hop ou le free style... Depuis que j’ai quitté la Batsheva, je me nourris de toutes ces différentes approches.

 

Etay Axelroad dans sa trilogie Indigo, 2023. Photo DR
Le danseur et chorégraphe Etay Axelroad, en résidence en 2023 à la Cité internationale des Arts, en partenariat avec l’Académie des beaux-arts, dans sa trilogie Indigo, 2023. Photo DR

 

D.D. : Pensez-vous qu’il y ait une spécificité française ?

E.A. : Oui et tout d’abord la langue qui m’intéresse beaucoup car elle porte des aspects culturels, des dynamiques particulières telles que le « tu ou le vous », et aussi quantité d’éléments du quotidien comme acheter « la baguette », ce qui peut sembler un cliché mais détermine en fait le relationnel avec les gens. Je travaille aujourd’hui avec des danseurs français, et je suis venu confronter ma danse à ces façons différentes de penser le mouvement.

 

D.D. : La danse change-t-elle selon les pays, en dehors des danses traditionnelles ?

E.A. : Oui il y a des façons diverses de considérer la danse, mais plus que le pays, c’est le niveau et les particularités des écoles, de la formation, de l’approche que l’on a du mouvement, du lien avec la musique... qui déterminent la singularité ou la similarité des danses. Par exemple, il y a une grande proximité entre le ballet classique en Israël et le ballet de l’Opéra de Paris ; de même il y a des correspondances entre les différents mouvements de la danse contemporaine et cela ne se cantonne pas à une géographie spécifique. Pour ma part, certains de mes danseurs viennent du ballet de l’Opéra de Paris tandis que d’autres pratiquent l’électro ou le hip hop. Ils travaillent tous à partir de sources et d’approches différentes du mouvement, de la rythmique, de la dynamique, de la forme mais quand je propose un mouvement chacun le reprend à sa façon et cela m’intéresse. C’est donc plus une question d’éducation que d’origine, même si la place donnée à l’Art par chaque pays est très importante pour son développement et sa créativité. J ‘ai le sentiment qu’en France la culture est très forte.

 

D.D. : Comment travaillez-vous avec des artistes si différents ? 

E.A. : Je les considère comme des personnes singulières ; j’essaie de comprendre qui ils sont, comment ils bougent. Cela m’ouvre des portes fécondes. Je déteste les machines ou la robotisation et je cherche à révéler le caractère unique de chacun.

 

D.D. : Dans votre prochaine création vous souhaitez établir une relation plus étroite avec les spectateurs, pourquoi ?

E.A. : Particulièrement depuis la Covid, ma recherche a évolué et je cherche à créer une plus grande interaction avec le public, qu’il soit plus connecté, plus proche de ce qui se passe dans la performance. Je ne rejette pas la relation scène/salle mais j’espère offrir au public une expérience plus sensible et un partage plus grand avec les artistes.

 

D.D. : Pensez-vous alors que le spectacle comporte une dimension sociétale et politique ?

E.A. : Plus j’avance, plus je vois de liens entre les deux mais mon intention se limite à l’art, au mouvement. Ensuite chacun peut établir s’il le souhaite un lien avec le monde ou la société, mais je ne cherche pas à le provoquer. Par ailleurs la lecture d’un spectacle et son ressenti restent profondément personnels. Quand vous écoutez Bach, il n’y a pas de message au sens narratif ; l’émotion que vous ressentez et partagez va bien au-delà d’une histoire ou d’un message. Dans la danse, le mouvement parle de lui-même ; les gens peuvent y voir de la violence, un état amoureux ou un conflit, cela leur est personnel. J’attends seulement qu’ils soient présents à l’instant. Je suis curieux de leurs réactions mais ne les recherche pas. La relation s’établit ou pas, mais en vérité elle arrive toujours. La beauté de la performance, c’est que ça arrive toujours ! Je suis heureux quand je sens que les gens sont plus connectés à leur corps, à leur danse, ce qui est une chose très positive pour l’avenir et pour l’environnement. Être connecté à soi-même, c’est être plus attentif aux autres et à la nature.

 

D.D. : Est-ce pour cela que vous aimez enseigner ?

E.A. : Enseigner, c’est éprouver l’expérience de la vie. Pour ma part je ne peux pas anticiper la forme que prendra un cours. J’ai besoin de sentir les gens et ce dont ils ont besoin. Plus je me prépare et plus je peux partager ma pratique avec les autres.