Par Paul Duchein, artiste, collectionneur passionné par le Surréalisme et les arts populaires, organisateur des « Rencontres d’Art » au Musée Ingres de Montauban
Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles.
Oscar Wilde
Il est des êtres habités par un désir fou et irrépressible, celui d’exprimer un monde, leur monde qui ne doit rien aux contingences terrestres.
Loin des basses préoccupations quotidiennes, ces individus qui ne se sont jamais pris pour des artistes nous transportent dans leur univers, animés par une énergie mystérieuse.
Les uns se sentent guidés, répondant à d’occultes appels, d’autres dialoguent avec des personnages qui nourrissent leurs étranges visions apparemment irrationnelles, d’autres encore nous transportent dans des paysages magnifiés par un regard singulier.
Alors médiums, spirites, marginaux ? Ils sont inclassables mais, par commodité, on pourrait les situer aux frontières de l’art brut. Leur champ de prospection est infini ; il conduit ces voyants vers l’exploration d’un univers qu’ils sont seuls à savoir déchiffrer, traduire, exprimer.
Séraphine inventait des fleurs en implorant le Seigneur, Augustin Lesage entendit une voix au fond de la mine lui disant « Tu seras peintre », Modrego se sentit « catapulté sur le mur », Rifi prétendait avoir « des jardins plein la tête », Madge Gill dialoguait avec un esprit du nom de Myrninerest, Labelle s’inspire de la planète Mars... On n’en finirait plus d’évoquer ces mondes merveilleux et souvent douloureux. Nous voilà confrontés à des créateurs étranges, bien loin d’un marché de l’art dynamisé par les spéculations financières.
Sans doute, certains d’entre eux connaissent une gloire relative et posthume comme Gaston Chaissac, Scottie Wilson, Crepin ou Augustin Lesage, d’abord défendus par Dubuffet et par les surréalistes, mais nombreux sont ceux qui dorment oubliés, nous en avons retenu cinq parmi beaucoup d’autres.