Par Bernard Perrine, correspondant de l’Académie des Beaux-Arts.
Créée en octobre 2013, la Fondation d'entreprise Galeries Lafayette ouvrira ses portes en 2017 au cœur du quatrième arrondissement parisien, au 9 rue du Plâtre, dans le Marais historique protégé par un plan de sauvegarde (PsvM).
Cette fondation d'intérêt général, dédiée à la production de l'art, du design et de la mode, entièrement indépendante des structures commerciale, financière et marchande gérées par la Foncière Galeries Lafayette, s'inscrit toutefois dans les valeurs qui ont présidé à la création du groupe. «Depuis 120 ans, les Galeries Lafayette poursuivent leur développement dans un contexte familial, en cultivant des valeurs qui font partie du capital génétique familial» précise Guillaume Houzé, petit-fils de Ginette Moulin et président de cette fondation. Ce sont ces mêmes valeurs qui ont présidé à la naissance de l'établissement et constituent ses plus solides fondements : «la rencontre unique de la création et du commerce pour tous, vivre le temps présent et en apprécier toutes les potentialités, en acceptant la radicalité de la nouveauté».
Ce sont ces mêmes grands principes qui ont présidé à définir les buts de cette nouvelle fondation d'entreprise. Non pas une énième fondation pour constituer ou montrer une collection ou faire des expositions, mais un lieu de partage qui devra conserver cette faculté d’étonner, de stupéfier, de déranger qu'il possédait déjà en 1946 lorsque le magasin accueillait les exposants du salon de Mai parmi lesquels on pouvait déjà retrouver des artistes tels que Pierre Tal-Coat, Nicolas de Staël, Alberto Giacometti, Serge Poliakoff ou... Jean Cortot, actuel membre de l'Académie des Beaux-Arts.
Dès que le principe d'une fondation d'entreprise s'est imposé en 2011, il fut également clair que son implantation se ferait dans l'ancien entrepôt du BHV. Un bâtiment industriel construit en 1891 par l'architecte Samuel Manjot de Dammartin, pour le BHV de Xavier Ruel. Après l'abandon de sa fonction première, il servit successivement de dispensaire, d'institution pour jeunes filles et en dernier lieu d'école préparatoire à l'enseignement. Ces différentes attributions n'ont pas foncièrement modifié sa structure initiale en U traversant entre la rue du Plâtre et la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, avec ses cinq étages, sa façade raffinée et ses deux ailes classées.
Il était également clair dans l'esprit du président et de François Quintin, son directeur délégué, que cette fondation d'entreprise devait être orientée vers la production, l'interdisciplinarité et la pluridisciplinarité. Pour en définir les axes et les buts, il a constitué une équipe entourée de prestigieux conseillers parmi lesquels on trouve Laurent le Bon, directeur du Musée Picasso, Chris Dercon, directeur de la Tate Modern, Rem Koolhaas, fondateur de l'agence d'architecture OMA et Li Edelkoort.
Après d'intenses réflexions, il est apparu que la fondation d'entreprise sera avant tout un laboratoire de création qui en fera le premier centre pluridisciplinaire de cette nature en France. Un site d’expérimentation et de recherche fondamentale qui offrira aux artistes, créateurs, designers et performeurs des conditions et des outils uniques pour développer des prototypes, mettre en œuvre des projets et emprunter des directions inédites dans leur travail pour y croiser leurs pratiques.
« Avec la Fondation d'entreprise Galeries Lafayette, nous avons souhaité nous doter d’un outil pour aller plus avant dans notre époque, participer, dans les arts appliqués et plastiques, aux grands débats de société ». L'esprit d'un lieu de partage, « un espace de discussion et de confrontation si nécessaire, car de nombreux créateurs sont porteurs d'une pensée politique et critique forte. La fondation doit aussi être une aide pour poser les questions fondamentales, un projet puissant pour donner un point de vue sur la création en train de se faire... »
À partir de ce corpus, la réflexion commune a été de savoir comment montrer et créer du contemporain dans de l'ancien classé, dans une construction XIXe à laquelle on ne peut pas toucher.
D'un côté on avait un décideur jeune, ambitieux et ouvert qui a choisi l'agence d'architecture OMA dirigée par Rem Koolhaas pour sa capacité à penser l'architecture en fonction du projet émis par la fondation d'entreprise et de ses réalisations antérieures, notamment de sa longue expertise dans le domaine des machines.
« Créer c'est transformer » dira Rem Koolhaas, c'est aussi avoir « une relecture impertinente de la modernité » dans un espace de liberté réduit à la seule utilisation de la cour du bâtiment. Qu'importe, « la réduction de l'échelle augmente d'autant l'ambition. »
Dans l'ancienne cour, l'agence conçoit une tour de verre pour l'art avec ses dix-huit mètres de hauteur mais qui ne dépassera pas le haut des toitures. Un dispositif qui réunit les deux ailes, équipé d'un plancher amovible avec un moteur embarqué. Une solution déjà proposée pour la maison de Bordeaux dans laquelle une plateforme hydraulique se déplace entre les étages. Ou au Wyly Theater de Dallas, dans lequel des tribunes mobiles permettent de mettre en place les multiples configurations de l'espace scénique. Ici la mise en place de ces quatre planchers, en correspondance avec ceux du bâti et réunissant les deux ailes, offrira quarante-neuf combinaisons qui permettront de moduler, en incluant les espaces existants, environ 1000 m2 d'espaces dédiés aux expositions dans les 2500 m2 de surface dont dispose la fondation. Ces modules qui peuvent se déplacer verticalement sur la structure métallique peuvent aussi se scinder en deux parties inégales en créant quatre plateformes mobiles qui pourront ainsi être adaptées à tous les moyens d'expression et à tous les supports, arts plastiques, sculptures, petits et grands formats, installations, performances... Ils représenteront les espaces visibles par les visiteurs. Les autres espaces, les centres névralgiques, invisibles, seront réservés aux créateurs et à la production avec 450 m2 à l'étage 1 et d'autres surfaces polyvalentes ou spécialisées aux étages 2 et 3, dont un atelier dédié au travail du bois et du métal.
Après avoir élaboré neuf projets et être passé devant une trentaine de commissions, le dixième projet soumis par la Fondation d'entreprise Galeries Lafayette a obtenu le permis de construire, délivré en juin 2014, sans aucun recours.