Par Robert Werner, correspondant de l'Académie des Beaux-Arts.
L'art du textile ? Si vous voulez en connaître l'origine, les procédés et ses règles les plus subtils, son histoire liée à un patrimoine exceptionnel, allez donc au Musée de l'Impression sur Étoffes de Mulhouse : ses collections constituent un ensemble unique au monde.
Tout commence en 1746 avec la passion créatrice de quatre jeunes Mulhousiens qui fondent une première manufacture d'impression textile au centre de leur cité. Une production bientôt prospère qui s'implante et se développe, entraînant à sa suite la croissance de la ville devenue française en 1798. Tout au long du XVIIIe siècle, les ateliers se multiplient, périclitent et renaissent aussitôt grâce à des échanges de capitaux et de savoir-faire qui s'organisent fructueusement. Au siècle suivant où, en 1826, est créée la Societé Industrielle de Mulhouse, et l'ère industrielle se développant à travers le pays, la ville et l'Alsace du sud se placent à la tête du marché mondial du tissu imprimé, à l'époque où, en 1833, les entrepreneurs du textile ont la bonne idée de conserver soigneusement leurs créations. Mieux, ils s'efforcent de compléter leurs archives en collectionnant les productions d'autres pays et d'autres temps, une réunion d’éléments déjà composée de textiles du monde entier, néanmoins centrée sur l'art de l'impression alsacienne. La croissance de la ville est désormais indissociable d'une croissance industrielle où le textile tient la première place. En regroupant les productions passées afin d'inspirer les dessinateurs textiles et de parfaire leur apprentissage, cette émulation du dessin appliqué amènera, en 1857, la création du Musée du Dessin Industriel. Ainsi, le Musée de l'Impression sur Étoffes, son héritier, est aujourd'hui le seul musée dans le monde qui rassemble quelque six millions d'échantillons de type et de provenance variés, auxquels s'ajoutent plus de mille dessins de grande taille, maquettes gouachées, empreintes imprimées sur coton, laine ou soie. En plus des collections de tissus imprimés et du matériel ayant servi à leur fabrication, il offre une bibliothèque spécialisée et une banque de données-images qui en facilite l'accès. Outre la production haut-rhinoise, ce fonds comprend, aujourd'hui, des échantillons de différentes manufactures françaises comme celle de Nantes, Paris et Jouy-en-Josas, Rouen, Lyon et Marseille, ainsi que des productions de manufactures étrangères (anglaises, russes, autrichiennes, allemandes, etc...). Le musée qui s'installe, Rue des Bonnes Gens, dans un beau bâtiment entre 1880 et 1883 pour y abriter les nombreuses collections de la Societé Industrielle de Mulhouse, profondément restructuré en 1996, est représentatif de l'évolution des motifs imprimés en Europe du XVIIIe siècle à nos jours, comprenant 50 000 documents textiles : métrages, dessus de lit, foulards, châles. Des textiles les plus familiers aux chefs-d'œuvre les plus rares, il montre aussi bien de somptueuses tentures du XVIIIe siècle et les premiers imprimés européens que de belles créations récentes.
La plus ancienne collection inventoriée et présentée au musée est celle de l'industriel mulhousien Engel-Dolfuss en 1826. Riche en soieries et broderies européennes, elle renferme un grand nombre d'indiennes et de toiles imprimées. Une autre fameuse collection, celle de Louis Becker, est également acquise par les Industriels de Mulhouse au profit du Musée de l'Impression sur Étoffes. Elle est riche de 722 mouchoirs imprimés et de 484 toiles peintes et imprimées, depuis les Indiennes du XVIIe siècle jusqu'aux étoffes imprimées du XVIIIe et du XIXe siècles. En 1981, selon les vœux de l'artiste, 586 « toiles simultanées » créées par Sonia Delaunay rejoignent les collections, et en 1986, le Musée acquiert le fonds Puaux-Funffrock, soit une soixantaine de pièces dont de magnifiques exemples d'indiennes et plus particulièrement le Tapis Moghol, chef-d'œuvre de teinture et de miniature indienne du XVIIe siècle. Enfin, depuis ces dernières années, le Musée a souhaité la présence d'un créateur textile contemporain de grande notoriété. Ainsi, il a exposé « Rêve de cachemire » du couturier Christian Lacroix, ou encore, de Léonard Paris, « Impressions du Soleil Levant »...
Aujourd'hui, et l'on ne peut que s'en réjouir, en dépit des difficultés concurrentielles, l'impression textile alsacienne est toujours bien présente.