Par Pierre-Yves Trémois, membre de la section de Gravure.
Êtes-vous peintre, graveur ou sculpteur ? Les trois à la fois... ou ni peintre, ni graveur, ni sculpteur.
Disons-nous bien que toutes les œuvres préhistoriques pariétales sont à la fois peintures, gravures, sculptures. Les artistes se sont servis des bosses et excavations des roches pour signifier le volume de l’animal. Dans les manuels, parle-t-on de gravures pariétales ou bien de peintures pariétales ? Qu’importe !
À propos d’un rêve : je vais en Dordogne, il tombe une pluie diluvienne. Je me réfugie dans l’interstice d’un rocher, je glisse, la terre se dérobe sous mes pieds, je tombe dans une grotte, dans l’obscurité. Je rampe vers une lumière, un feu, et j’aperçois un homme à moitié nu, plein de poils. L’homme des cavernes, 20 000 ans nous séparent. Il me regarde, je le regarde, j’ai peur et, qui sait, il a peur. Il se demande ce que peut être ce semblable à peau nue, blanchâtre, sans poils et avec cravate : ce ne doit pas être un artiste peintre.
Je me dis que je ne peux lui parler et lui ne peut énoncer que des onomatopées. Donc, entre nous, la communication sera le dessin. Levant la tête vers la roche, j’aperçois des dessins géants, taureaux, bisons, cerfs... merveilleux. Alors je grave, anxieux, avec son silex. Nous avons le même outil, le burin.
Je vais graver un taureau, mais heureusement, je m’arrête, je ne suis qu’un artiste-peintre. Lui est un capteur d’images, il doit capter l’animal pour le rendre captif, et de ce fait, survivre. Son trait est ainsi magnifié. Il est motivé, il a saisi le vif. Quant à moi, je n’aurai voulu représenter qu’un taureau, je n’aurai pas transcendé ce qui me paraît l’essentiel.
Puis, si j’avais dessiné ce taureau, cet homme des cavernes se serait alors dit que je voulais aussi capter l’animal. Je serais devenu un rival, il m’aurait tué, mangé.”
Été 2003
