Par Laurent Petitgirard, compositeur, chef d'orchestre, Secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts
Créer encore !
Parmi les importantes missions de l’Académie des beaux-arts, celles qui ont trait à la défense de la création nous ont toujours semblé prioritaires, en commençant par le soutien aux artistes en début de carrière.
Certains peuvent imaginer qu’à l’époque d’internet il est plus facile pour un créateur de faire connaître et de promouvoir son travail. Il n’en est malheureusement rien.
Internet peut être une « jungle » et comme le disait malicieusement un célèbre producteur « Internet, c’est comme au restaurant chinois, il y a une quantité innombrable de plats mais tout le monde finit par prendre des nems... ».
Quant aux réseaux sociaux, grandement parasités par l’anonymat qui autorise toutes les outrances, y compris les plus abjectes, leurs limites en matière artistique sont évidentes.
La première problématique des jeunes créateurs est de trouver un atelier, un espace de travail, de disposer de suffisamment de temps à consacrer à leur œuvre sans avoir à trop se disperser dans des travaux alimentaires.
La seconde sera de faire connaître ces œuvres, donc de trouver un galeriste, un salon artistique, un éditeur, un orchestre ou des solistes disposés à jouer leur musique…
C’est pour ces raisons que les résidences d’artistes sont tellement recherchées.
Disposer pendant des mois ou une année d’un havre de paix doublé d’un soutien financier constitue pour beaucoup un rêve et, malgré des critères d’éligibilité stricts, la Villa Médicis ou la Casa de Velázquez reçoivent un nombre très important de demandes dont à peine plus de trois ou quatre pour cent seront couronnées de succès.
Ce Graal obtenu peut parfois se transformer en piège.
Combien de Grands Prix de Rome se sont endormis pendant les trois années passées à la Villa Médicis, combien d’artistes se sont sentis isolés du tourbillon artistique et sont sortis de ces délices de Capoue avec très peu d’œuvres nouvelles.
Pour qu’une résidence soit utile, il ne faut pas se contenter de mettre à disposition un atelier et une bourse. Il faut l’inclure dans un plan général qui permette aux jeunes artistes de concrétiser un projet, de le présenter et d’échanger avec d’autres créateurs.
C’est dans cet esprit que l’Académie des beaux-arts aménage actuellement une vingtaine d’ateliers d’artistes répartis sur différents sites à Paris, Boulogne-Billancourt ou à Chars, dans le Val-d'Oise.
Nous allons, pendant l’année 2021, réaliser les indispensables travaux de rénovation, établir les modalités de recrutement des résidents de toutes nationalités, ainsi que les conditions financières liées à leur séjour.
Nous souhaitons également pouvoir les accompagner dans la production d’un projet et leur permettre de présenter chaque année, pendant plusieurs mois, leurs œuvres dans les salles d’exposition et dans l’auditorium de la bibliothèque Marmottan, dans laquelle ils pourront inviter galeristes, agents, producteurs et critiques.
En s’impliquant ainsi dans la création contemporaine, notre Compagnie tient à créer un lien entre les générations de créateurs, lien qui existe déjà dans nos rangs, 58 années séparant ainsi la benjamine de notre Académie, Catherine Meurisse, de notre doyen Pierre Cardin.
En cette période si difficile, voire angoissante, nous souhaitons envoyer un message d’espoir et de confiance à toutes ces nouvelles générations de créatrices et de créateurs que nous nous préparons à aider le mieux possible. ■