Pierre Cardin (1922-2020), regretté membre de l’Académie (section des membres libres), a souhaité encourager les artistes en créant en 1993 cinq prix annuels, d’un montant de 7625 euros chacun, décernés à un peintre, un sculpteur, un architecte, un graveur et un compositeur sur proposition de chacune des sections concernées de l’Académie. Ce soutien est aujourd’hui perpétué grâce à son neveu Rodrigo Basilicati-Cardin.
Le Prix Pierre Cardin 2022 a été attribué en architecture à Orma architettura.
Orma architettura
Jean-Mathieu de Lipowski (1989), Alicia Orsini (1989), Michel de Rocca Serra (1989) et François Tramoni (1985) sont diplômés de l’école nationale supérieure d’architecture de Marseille en 2012 et 2014. Ils fondent Orma architettura à Corte, en 2014. Alicia Orsini est également architecte du patrimoine, diplômée de l’école de Chaillot en 2015.
De leur bureau, ils voient les flancs escarpés du deuxième plus haut massif de Corse, le Monte Rotondo. Dans leur projet, on lit l’épaisseur des ouvrages maçonnés qui le peuplent. L’ubiquité entre le paysage de l’île de Beauté et Orma est envoûtante ; la frontière est floue entre leur vie, leur production et le territoire dans lequel elles s’ancrent. De l’île où ils sont nés, Jean-Mathieu de Lipowski, Alicia Orsini, François Tramoni et Michel de Rocca Serra connaissent l’histoire urbaine et architecturale autant que les chemins de randonnée. Le temps de l’école, ils ont troqué le sombre granit des roches de Corte pour le calcaire aveuglant des calanques de Marseille-Luminy. D’autres lumières mais une même dramaturgie qui marque la rétine d’une empreinte ‒ orma, en corse ‒ persistante. La montagne et ses sentiers les ont rattrapés. Retour à Corte, donc, où les maquisards confirment leur attrait pour des projets ancrés dans leur contexte, pour les abstractions paysagères de RCR Arquitectes et l’artisanat sensible de Peter Zumthor. Stimuler la valeur culturelle et matérielle d’un site, ce qui fait sa spécificité, c’est pour Jean-Mathieu, Alicia, François et Michel, une manière de construire la légitimité d’une intervention, qui en devient introspective. Ils militent pour un « endémisme architectural » qui trouve sa pérennité dans ce que l’œuvre tire du lieu où elle s’inscrit. Incapables de concevoir des objets isolés, ils luttent contre une production générique gommant l’identité d’une situation, corse ou continentale. Car si leur méthode est née en territoire militant, elle s’impose partout où ils font projet. Telle une mission d’archéologues, Orma enquête sur le site, sa morphologie, son économie pour y trouver ses fondations. À n’en pas douter, c’est ce goût de la recherche qui a conduit Alicia à l’école de Chaillot. Chez Orma, l’étude patrimoniale est prospective, elle ouvre le champ à des interventions précises. Pour le Conservatoire du littoral, l’agence a diagnostiqué les phares de l’île et réfléchi à leurs scénographies futures. À la demande du parc naturel régional de Corse, elle a étudié les douze refuges du GR20 en posant les bases conceptuelles de leurs potentielles extensions. Le paysage de plaine et d’altitude fonde chacun des projets d’Orma. Son architecture est mémorielle, sauvage, émotionnelle. Elle porte en elle l’aura des lieux. Comme la Casa Vanella construite avec les pierres du terrain, ou ces logements dans le village de Cristinacce en pin Laricio, une essence endémique. À eux quatre, les architectes d’Orma ont l’endurance des sportifs qui gravissent des sommets. Ils puisent dans le groupe l’énergie pour résister en territoire isolé, pour faire de leur mission professionnelle un projet culturel, celui d’une architecture localisée.
Site internet d'Orma architettura