Le soutien à la création > Les prix et concours
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Concours historique créé en 1975 dans l’esprit du Prix de Rome, le Grand Prix d’Architecture a connu, jusqu’en 2016, plusieurs cycles inspirés notamment par Michel Folliasson, Claude Parent et Paul Andreu.
En 2020, il est décidé de mettre en place un fonctionnement biennal, avec une année l’attribution d’un Grand prix à un architecte pour l’ensemble de son parcours (prix de consécration Charles Abella) et la suivante l’organisation d’un concours destiné aux nouvelles générations d’architectes, l’objectif étant de valoriser des projets considérés comme exemplaires des manières contemporaines de faire et de penser l’architecture.
Attentive aux nouvelles pratiques, la sélection valorisera la diversité des approches, le croisement des disciplines et le caractère prospectif des projets.
Le Grand Prix d’Architecture : les vertus de l’alternance
Entretien avec Dominique Perrault, membre de la section d’architecture de l’Académie des beaux-arts, membre du jury du concours
Propos recueillis par Nadine Eghels
Nadine Eghels : Vous avez repris récemment la définition du Grand Prix d’Architecture de l’Académie des beaux-arts - Prix Charles Abella. Pourquoi et avec quels objectifs ?
Dominique Perrault : De son vivant, Claude Parent était en charge de ce grand prix d’architecture. Il était, avec Paul Andreu, mon mentor lorsque je suis entré à l’Académie. Nous sommes devenus complices et il m’avait demandé de continuer dans la voie qu’il avait ouverte. C’est donc une sorte de transmission.
N.E. : Et vous l’avez fait évoluer...
D.P. : Nos prix d’architecture étaient assez décalés, plus proches des grands prix de Rome que des prix d’architecture contemporaine. Nous avons donc cherché à les requalifier, dans le respect des legs. Nous nous sommes rapprochés des écoles pour entrer en contact avec la jeune architecture d’aujourd’hui. Tout en conservant la célébration des grands architectes.
N.E. : Comment avez-vous procédé ?
D.P. : Le grand prix est décerné suivant un certain protocole. Le lauréat donne une conférence sous la Coupole, c’est une condition sine qua non, et cette cérémonie réunit un large public. Le premier grand prix a été attribué à Alvaro Siza, puis nous avons célébré Henri Ciriani et récemment Christian de Portzamparc. C’est un prix de consécration, biennal et exposé au Pavillon Comtesse de Caen.
N.E. : Et l’autre année ?
D.P. : L’autre année est dédiée au prix de la jeune création. Cela nous permet donc de conserver cette notion de grand prix, qui récompense, une année, l’ensemble d’une œuvre pour sa cohérence, et d’ouvrir aussi, une autre année, à de jeunes architectes que nous souhaitons encourager dans leurs recherches.
N.E. : Comment se passe la sélection ?
D.P. : Pour le prix de consécration, le jury est composé des membres et des correspondants de la section d’architecture.
Pour le prix de la jeune création, le processus de sélection est plus élaboré, objet autrefois de grandes discussions avec Claude Parent. C’est vraiment un travail spécifique et nous n’avons pas le temps, en tant qu’académiciens, de nous y consacrer suffisamment. Une petite équipe curatoriale monte l’appel à candidature. Un jury scientifique animé par celle-ci opère une première sélection parmi les nombreuses réponses qui nous parviennent. À partir des propositions du commissariat, la section d’architecture délibère, se positionne et sélectionne quatre projets. Les quatre équipes sont alors invitées à poursuivre leurs recherches de manière à présenter une forme plus aboutie au Pavillon Comtesse de Caen. Il y a donc trois temps : sélection, perfectionnement, exposition.
N.E. : En quoi consiste l’exposition ? Des maquettes, des dessins, des idées ?
D.P. : Au travers de l’exposition, il ne s’agit pas d’évaluer chaque projet par rapport aux autres, mais d’aider à leur présentation. Une bourse de production est attribuée à chaque équipe pour lui permettre de mettre en scène son projet. Au matin du vernissage, nous auditionnons les différentes équipes devant leur projet, ensuite le jury se réunit, membres et correspondants, et attribue le prix à l’une d’elles. Personne ne reste au bord du chemin. Les autres auront été soutenues tout au long du processus médiatique et reçoivent également une dotation.
N.E. : Y a-t-il un thème particulier ?
D.P. : Cette année le thème choisi par l’ensemble de l’Académie était celui des écritures. Nous trouvions intéressant d’y relier celui du Grand prix d’architecture. C’est évidemment plus intellectuel mais cela nous semblait en prise avec le mouvement qui se développe actuellement dans les écoles, cette espèce de défiance par rapport à l’architecture, avec certains architectes qui clament qu’il ne faut plus construire...
N.E. : Que retirez-vous de cette confrontation avec la jeune génération d’architectes ?
D.P. : C’était évidemment très nécessaire d’avoir ce contact avec les écoles, de découvrir ce qui s’y pense et s’y dit. Et cette alternance, d’une année à l’autre, entre jeune création et consécration nourrit nos débats et nos réflexions. Nous assumons nos choix et nous les faisons dans un environnement ouvert à l’expérimentation. C’est nouveau et cela nous donne une profondeur de champ.
N.E. : Quels sont vos objectifs maintenant ?
D.P. : La section d’architecture se mobilise autour de cette évolution mais nous voulons faire beaucoup mieux. La question des prix est centrale dans nos discussions et surtout dans nos engagements. C’est une porte ouverte sur l’actualité, et une fenêtre sur le futur. ■